Pendulum– “Hold Your Colour (LP)”
Escape from the club

Pendulum est le genre de groupe qui représente à lui seul un paradoxe. Travaillant des morceaux à la structure complexe et aux sonorités stridentes, ce trio est parvenu malgré tout à s'illustrer parmi l'élite de la drum n' bass mondiale. Meilleur exemple de son succès, il remporta deux années de suite (2003, 2004 … 2005 ?) le prix du meilleur titre drum n' bass avec respectivement les titres Vault et Another Planet . Ce dernier parvint même à gravir la 43 ème place du Top 50 anglais et il n'est pas rare de le retrouver fréquemment en première position dans la playlist de nombreux DJs. Et pourtant, nombreux savent que ce n'est pas le vinyl le plus simple à mixer avec ses nombreuses ruptures de style et ses phrases mélodiques longues et complexes, sorte de synthèse de tout ce qui se fait de mieux en terme de drum n' bass bourrine. Et pourtant cela marche, tout comme ses sorties suivantes (Spiral, Back 2 U, Guns at Dawn …) qui font les beaux jours du label Breakbeat Kaos sur lequel ils ont signé.

Juillet 2005 signe alors la sortie de leur premier album. Autant dire que plus d'un l'attendait au tournant. Aurions-nous droit une fois de plus à une série de tubes ? En tout cas, l'intro du premier morceau, Slam , nous le laisse clairement envisager. Pour notre plus grand plaisir retrouvons nous ainsi la voix profonde d' Another Planet nous introduire à la façon d'un film de science-fiction dans une atmosphère de plus en plus pesante, appuyée par une orchestration puis des cœurs arrivant tout en finesse. Puis survient la rythmique, une sorte de hip hop vaguement west coast. Une première surprise ? Pas vraiment, car on comprend que tout ça n'est que prétexte à jouer de notre patience avant que les choses sérieuses ne prennent forme. Certes, cette intro est d'une efficacité redoutable tant elle est dense et puissante. Un break annonce alors le début d'une envolée à 180 bpm. Puis, ça monte, ça monte, ça n'en finit plus de monter …

Et là c'est le drame ! Des sons thunderdomesques prennent le relais avec une mélodie ridicule qui essaie de nous entraîner dans une ambiance dancefloor douteuse. Mais tout ceci est bien trop évident pour qu'on y participe. D'autant que la basse est inexistante, on finit par se retrouver bien vite excédé et rares seront ceux qui passeront les vingt premières secondes d'écoute une fois le morceau passé en drum n' bass. Mais qu'est-ce qui a bien pu passer par les têtes du trio pour nous pondre une pareil daube ?

C'est alors avec beaucoup d'anxiété que l'on appuie sur la touche suivant, en espérant que le reste de l'album ne soit pas de la même facture. Mais quel est alors notre surprise, non pas dans le sens de la médiocrité, mais cette fois-ci dans celui de l'originalité. En effet, dans Plastic World , Pendulum nous dévoile des influences jazz insoupçonnées à travers un ensemble de cuivres (saxophone, trompette, trombone) qui soutient un morceau plutôt inattendu, un peu à l'image de l'album d'ailleurs. Usant de sons qui se modulent tout au long des morceaux, de voix favorisant de larges parties chantées, et des lignes de basses souterraines assurant avant tout la dynamique, c'est dans une atmosphère très profonde à travers laquelle nous sommes emportés, et qui n'est pas sans évoquer plusieurs chefs d'œuvre de trance des années 90.

Certes, la méthode est classique et connue, mais l'appliquer à la drum n' bass avec une telle précision révèle d'un travail sérieux et inspiré. On appréciera notamment la construction des morceaux qui parvient sans problème à maintenir toute notre attention. Le mixage des voix trouve également son importance car, fondant celles-ci dans l'ensemble, les sons se mêlent et se complètent au service d'une ambiance envoûtante. En ce sens, Plastic World est peut être le plus réussi avec un MC Fats qui sait varier les parties (tantôt rap rn'b, tantôt chant, tantôt chœur), quoique Sounds of Life, marqué par la participation féminine de Jasman Lee, se défend également, bien qu'un peu plus classique. Quant à Girl In The Fire , il s'agit du morceau le plus original de l'album. Entrant en matière à l'aide de guitares sèches et d'une rythmique bossa, ce titre comporte une construction remarquable, et réinvente au passage l'utilisation du vocodeur au point d'en balayer les Daft Punk (et si par la même occasion ça pouvait les aider à sortir un bon album …) Et ceci procure un côté pop décalé plutôt amusant.

Et de pop est-il finalement question à travers cet album aux allures en même temps légères et travaillées. Mais ce paradoxe crée finalement une position bien délicate. Ni liquid, ni solid, ni franchement dancefloor, Hold your Colour tranche dans les idées reçues, ce qui pourrait ne pas l'aider à trouver son public, notamment chez les DJs accros d'ambiances lourdes. Mais que ceux-ci se rassurent, Pendulum n'en reste pas moins une formation virtuose en matière de gros son, que l'on retrouve dans deux morceaux dont The Terminal est globalement le meilleur. Basse sursaturée et expressive, rythmique très dure et flanger dans tout le sens … tout ceci procure une puissance démesurée à laquelle nous étions plus habituée. Et côté dancefloor, ces trois anglais nous gratifie également d'un morceau nu-breaks à la Freestylers dans le dernier titre Out Here qui n'est pas franchement réussi tant il est pauvre et finalement répétitif. Certes, l'introduction et la conclusion n'est finalement pas ce que nous retiendront de cet album plutôt atypique …

A noter qu'une version CD de ce LP existe avec pas moins de six titres en plus. Ainsi auront nous le droit à un Prelude, un titre inédit ( Streamline ) et quatre titres sortis précédemment comme le génial et tubesque hymne Tarentula en featuring avec l'un des fondateurs de Breakbeat Kaos, DJ Fresh, et deux grands noms : Tenor Fly et MC Spyda. Sorti en juin dernier, ce titre était accompagné de Fasten Your Seatbelt en face B. Cette collaboration avec les Freestylers, nous la retrouvons également sur Hold Your Colour . Quant aux deux autres titres il s'agit de Still Grey et d' Another Planet … Bon vous l'aurez compris, tout ceci n'est qu'un prétexte pour remplir un CD un tantinet incomplet, notamment parce qu'il est sorti prématurément pour quelconques raisons obscures. Mais même si ces morceaux ne sont pas d'une totale fraîcheur, on se va pas s'en plaindre !

Salaryman

“One of the most ambitious drum'n'bass albums in history... it shows how far you can take drum'n'bass and makes the sound accessible for a whole new section of music lovers. Pendulum have created the drum'n'bass equivalent of stadium rock” (Mixmag magazine).

"Hip hop has The Neptunes, garage has MJ Cole, and now drum & bass has Pendulum." (Knowledge Magazine)