Le Blog De Frantico
textes et dessins de Frantico

Frantico n'est sans doute pas le seul ni même le premier à avoir utilisé la bande dessinée pour s'exprimer sur son blog mais son cas exceptionnel mérite d'en faire un des pionniers puisque ces propres aventures sont devenues un tel phénomène blogesque (approchant les 8000 connexions par jour au mieux de sa forme!) que sa bio-dessinée a eu le droit à une promotion: une édition papier chez Albin Michel. Un pavé de 300 pages (volume assez rare dans le monde de la BD pour être souligné!) qui n'a a priori rien de révolutionnaire: dessin plutôt caricaturo-naïf, gags à première vue de facture assez classique… Et pourtant cette œuvre titanesque s'avère être étonnamment fraîche et jubilatoire.

La BD autobiographique n'est pas un genre nouveau mais encore assez peu connu, sans doute parce qu'intrinsèquement plus confidentiel. Cet opus-là est d'une transparence à la fois déconcertante et réjouissante tant l'auteur se livre sans tabous mais paradoxalement avec une pudeur et une gêne touchantes – à moins qu'il ne s'invente réellement un personnage fictionnel, ce qui, en définitive, rendrait Frantico d'autant plus créatif! D'aucuns trouveront vulgaires son apparent exhibitionnisme et ses propos et dessins crus… mais avec un peu de recul, on s'aperçoit qu'il s'agit simplement d'une franchise qui peut effectivement embarrasser mais qui témoigne d'un certain dépassement de soi, d'une sortie d'auto-thérapie de la part de l'auteur pour se débarrasser de ses hontes, de ses doutes, de ses culpabilités, de ses démons, et j'en passe. Du coup, cette œuvre (n'hésitons pas un instant à employer le mot) ressemble à un porte-parole version BD d'une génération d'hommes rongés par un certain mal-être relatif.

Au travers de plaisantes saynètes, le personnage-auteur nous abreuve de toutes sortes d'interrogations d'ordre individuelle ou collégiale qui trottent probablement dans les cervelles d'une grande proportion de jeunes adultes masculins des pays développés d'aujourd'hui (disons nés entre 65 et 85 pour ratisser large), en particulier les célibataires. Derrière une apparence trompeuse d'obsédé sexuel, Frantico dresse le portrait d'un genre assez répandu de l'homme moderne: un homme au fond sensible, qui se pose beaucoup plus de questions qu'il n'ose l'avouer, qui culpabilise souvent au sujet de sa façon de vivre (et particulièrement ses pulsions sexuelles), et qui cache ses faiblesses derrière des masques – notamment faussement macho. Du coup ça sonne comme une révélation et une délivrance pour chaque spécimen de cet "homo sensibilus" qui lira cette BD car il se sentira tout de suite moins seul et plus normal !

Evidemment on n'est pas dupe, Frantico se dissimule toujours un peu derrière un masque grâce au moyen d'expression qu'il a choisit (et derrière son pseudo) mais il fait preuve d'une sincérité et d'une authenticité bouleversantes tout au long d'un ouvrage somme toute novateur: une sorte d'hybride empruntant avec intelligence à la BD et aux nouveaux moyens d'expressions que sont les blogs et tous ces courants "néo-néo-réalistes" qui explorent à leur façon notre société à travers l'intime. Un intime qui devient le nôtre quand on parvient à s'identifier. Dans le cas de Frantico, il y parvient avec un honnête témoignage plein de pertinence, d'humour et d'émotion.
Raphoufoune