Le Monde de Narnia – Chapitre 1 : le lion, la sorcière blanche et l'armoire magique |
Commençons par mettre les choses au point! OUI Disney a sans doute voulu surfer sur la vague du Seigneur des Anneaux et d'Harry Potter . Mais NON ils n'ont pas créé de toute pièce un plagiat tolkienien ni même dégoté une œuvre inconnue du placard. Le problème, c'est que l'œuvre originelle de CJ Lewis est restée assez confidentielle chez nous alors que son cycle des Chroniques de Narnia fait partie des classiques de la littérature enfantine anglo-saxone. Du coup, évidemment, le public français n'a pas été bercé par le même contexte culturel et, si cela n'empêche évidemment pas le succès de l'adaptation cinématographique, son retentissement y est tout autre, en particulier dans la presse critique qui s'en donne parfois à cœur joie. Je ne vais pas faire l'apologie de ce film pop-corn mais j'estime le besoin de relativiser sa médiocrité. Pour cela, une fois n'est pas coutume, je vais un peu raconter ma vie, histoire de vous expliquer pourquoi je fais sûrement partie d'une minorité française à pouvoir ressentir Narnia avec une sensibilité quasi anglo-saxone – je ne reviendrai qu'ensuite sur une véritable critique du film! |
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Certes je n'ai pas été bercé par les livres originels mais au milieu des années 80, j'avais eu la chance de m'imprégner du premier chapitre – le même que celui adapté ici par Disney – grâce à sa deuxième adaptation à l'écran*: une version animée réalisée par Bill Melendez en 1979 pour les télévisions anglo-américaines (voir image ci-contre). Preuve que Narnia n'avait pas le même écho en France, il avait fallu près de 10 ans pour avoir le droit à une diffusion dans notre pays sous le titre "Le Lion et la Sorcière Blanche" et le film est resté depuis très confidentiel, non seulement par la probable faible audience qu'elle avait générée (dans mes souvenirs, c'était un dimanche après-midi!) mais aussi par le fait que cette version doublée a, selon certaines sources, littéralement disparu! |
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Pour revenir à moi-même (quitte à ce que ça sonne nombriliste!), il se trouve que le petit garçon que j'étais avait été très imprégné par cette histoire. Trop jeune pour avoir retenu le titre, ce ne sont donc que de vagues souvenirs des détails les plus marquants qui m'ont hanté pendant une quinzaine d'années sans que je puisse savoir de quoi il s'agissait. Lorsque j'ai voulu retrouver ce dont il s'agissait, il m'a fallu 4 ans pour que ma quête aboutisse à quelque chose. En 2002, alors que j'étais assistant de professeurs de français en Australie, j'écumais un jour les rayons de la vidéothèque du collège où j'officiais, histoire de découvrir quelques films australiens inconnus en France. Je tombais sur une vidéo au titre évocateur: The Lion, the Witch and the Wardrobe . Ce n'était pas un film d'animation mais une adaptation d'un classique de la littérature enfantine par la BBC dans les années 80. Le pitch semblait néanmoins coller à mes vagues souvenirs donc j'empruntais la cassette. L'adaptation me sembla hyper kitsch mais vous ne pouvez pas savoir à quel point j'avais parfois des frissons à la vision de certaines séquences! C'était bien l'histoire que j'avais dans la peau depuis tant d'années! |
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Qui sont ces êtres venus d’ailleurs ? Très vite, les explications se développent : contrairement aux allures les plus extravagantes auxquelles on aurait pu s’attendre vu la ribambelle de créatures improbables auxquels nous avons déjà eu droit, ces extraterrestres arborent une forme humanoïde et dévoilent des intentions clairement humanistes. En effet, à des millions de kilomètres de là, un astéroïde gigantesque pointe son nez droit sur notre planète bleue et les jours sont compter avant qu’il n’entre en collision. C’est alors là qu’interviennent ces braves extraterrestres, invoquant aux humains de réunir leurs forces militaires en un seul point de la planète afin de contrer le gros caillou dérivant. Quelle idée farfelue ? En tout cas, heureusement que toutes nations terriennes vivent en paix, car pour mener une offensive, il n’y a pas mieux ! Mais est-ce que ça traînerait pas un peu dans les têtes de ces prétendues bienfaiteurs d’une autre galaxie ? |
Bon, autre question, et plus légitime cette-fois : il est où Godzilla là-dedans ? Pour le découvrir, je ne saurais que trop vous conseiller d’aller le découvrir de par vous-même, car en révéler plus sur ce scénario dense et généreux en rebondissements impossibles vous gâcherait la séance. Ainsi, au delà de son esthétique surprenante, Godzilla Final Wars tire son épingle du jeu à grands coups d’idées surprenantes, dont certaines très intéressantes aurait peut être mérité d’être mieux représenté. Mais là n’est pas le but de Kitamura qui se donne à cœur joie en exhibant tous les défauts des effets spéciaux des précédents Godzilla. Certes, ce n’est pas pour autant qu’il berce dans la parodie. Bien au contraire, il ne dénigre pas mais revendique cette branche du cinéma japonais, tant le scénario est traité avec un grand sérieux. Du coup, manœuvrant sur la corde raide du kitsch et de l’austère, il trouble aisément le spectateur qui finit par ne plus savoir s’il doit se tordre de rire ou entrer au cœur de l’action, s’il faut l’interpréter au deuxième ou premier degré. Mais Kitamura le sait-il lui-même ? On peut se le demander … |
Une rapide recherche sur Internet (imdb suffit!) me confirma qu'il existait bien une version antérieure en dessin animé et une recherche un peu plus poussée me conduisait à cette 'affreuse' nouvelle: la version française n'existe plus! Il m'a ensuite fallu 2 autres années avant d'arriver à trouver au moins la version originale (merci e-mule!). Une fois de plus, avec le recul, le film tout comme la qualité de l'animation me semblèrent très vieillottes et certaines séquences très cul-cul. Mais un constat s'imposait: en chacun de nous, un enfant sommeille, avec sa propre histoire, ses émotions, ses souvenirs, ses filiations, ses héritages… Bref, tout est question d'identité personnelle! C'est la raison pour laquelle, contrairement à la grande majorité de mes compatriotes, j'attendais impatiemment cette nouvelle adaptation car elle réveillait des sensations perdues, sorte de nostalgie de mon enfance. Je savais d'avance que ce film ne serait pas un chef-d'œuvre et que Disney nous délivrerait une fois de plus un film aseptisé, perdant ainsi en route une grande partie de l'âme et de l'intérêt de l'œuvre de C.S. Lewis. Mais je savais aussi que cette adaptation moderne éveillerait inévitablement chez moi certaines émotions grâce à quelques séquences et personnages. Echo personnel, solitaire, impartageable… |
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Pourquoi avoir raconté tout ça, me demanderez-vous? Malgré la qualité objectivement quelconque de ce film, mon histoire personnelle lui a donné une importance insoupçonnée. Cette anecdote que je vous ai narrée m'a permis de comprendre à quel point tout était relatif. Tant de données doivent être prises en compte pour mesurer l'impact d'un film ou de quoi que ce soit – données culturelles, personnelles, contextuelles… A tel point que le divertissement commercial n'est pas foncièrement méprisable, malgré ce que tant de têtes pensantes veulent parfois nous faire croire en brandissant une supposée menace débilitante. Bien sûr qu'il existe sans doute des façons plus intelligentes et/ou valorisantes que d'autres de divertir mais pourquoi tomber dans l'excès inverse, rejeter tout en masse et croire que personne ne peut trouver quelque chose d'épanouissant dans tout cela? Bien sûr que chacun a le droit de continuer à critiquer, à s'énerver chacun de son côté en pensant détenir les meilleures valeurs du monde! Moi y compris puisque je sais que je continuerai malgré tout! Mais par pitié, de temps à autre, gardons tous en tête que tout cela n'est pas science, que personne ne détient la vérité, et surtout qu'il existe tant de parcours de vie expliquant cette diversité d'appréciations! Critiquons, débattons, mais ne tombons pas dans la haine ou le mépris primaires, ni le sentiment (plus ou moins inconscient) d'avoir des valeurs et théories supérieures. Ne confondons pas intelligent et intello, ni art et divertissement, ni intérêt général et sensibilité personnelle… Bref, ça suffit, j'arrête parce qu'on va finir par me prendre pour un prêcheur irritant! Pour oublier le côté donneur de leçons que je viens peut-être d'endosser provisoirement – alors que je déteste moi-même les donneurs de leçons! – finissons par une véritable critique du film en question! Disney est encore tombé dans sa neuneutude habituelle, outre le fait que, pour une fois, on n'évite les séquences chantées inutiles et agaçantes qui fleurissent souvent au moment où on ne les veut pas – c'est-à-dire à peu près tout le temps en-dehors des génériques! A trop vouloir être politiquement correct pour ménager son éventail d'audience qui inclut les cathos coincés du cul et les amerlocks conservateurs, Disney n'arrive que trop rarement à faire preuve d'un minimum d'audace, ce qui n'est manifestement pas le cas ici. S'il parvient à dépoussiérer visuellement l'histoire en réactualisant les précédentes adaptations grâce aux techniques d'effets spéciaux actuels**, le film s'avère incapable de prendre des libertés avec l'œuvre qu'il adapte, se contentant d'une version cheesy qui peut parfois donner la nausée. Evidemment, vu les moyens technico-financiers mis en action pour l'esthétisme – souvent appréciable malgré un certain conformisme et l'absence politiquement correct de sang – il fallait être courageux pour actualiser les propos de C.S. Lewis et éventuellement leur donner un écho contemporain. Il aurait été pourtant intéressant de réinvestir le contexte dans lequel Lewis avait écrit sa saga: le monde venait de vivre la traumatisante deuxième guerre et découvrait l'horreur de la Shoah. |
Vu à travers le prisme de ce contexte, l'histoire de Narnia peut prendre une signification beaucoup plus puissante: l'attachement à la liberté des peuples (le lion, symbole de l'identité britannique à travers la royauté), le danger nazi (la sorcière, personnage tyrannique qui veut purifier son empire), les camps de concentration (les animaux transformés en statues), la résistance (les castors, le renard qui se sacrifie – personnification de Jean Moulin?), les leaders providentiels pour unifier la lutte (oserait-on entrevoir Churchill, De Gaulle, Roosevelt et Staline dans le quatuor d'enfants?)… Mais entre C.S. Lewis qui manquait de recul pour pouvoir relativiser son manichéisme ambiant (ce qu'il fit en partie seulement, par exemple en habillant la sorcière de blanc) et Disney qui est incapable d'oser une remise à jour un peu plus engagée, le résultat est inévitablement décevant de ce côté-là. Alors que cette histoire revêtait un potentiel non négligeable, cette adaptation en conserve essentiellement ses aspects esthétisants, divertissants… voire lucratifs! Ajoutons que la production ne nous a pas beaucoup gâté avec le casting: les enfants ne sont pas à la hauteur de leurs rôles (en particulier la petite Georgie Henley, au sourire ignare désespérant, et l'aîné William Moseley, insipide donc sans le charisme nécessaire pour son rôle!), Tilda Swinton est décevante en sorcière (et beaucoup moins bien maquillée que les créatures!) et l'ensemble du casting se contente d'un niveau très moyen. Seuls Liam Neeson (voix d'Aslan) et Jim Broadbent s'en sortent avec un peu plus d'honneur. Bref, je resterai sur mes souvenirs d'enfant. Dommage… |
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* la première adaptation était une série anglaise en noir et blanc, en 10 épisodes de 30 minutes, datant de 1967 et aujourd'hui apparemment disparue. |
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Raphoufoune |